LA LETTRE D'ARNAUD MONTEBOURG

Publié le par renover.maintenant 21

Chères et chers camarades,

J’ai fait un pas, personnel mais déterminé, sur le terrain difficile du choix. Choisir est l’une des aptitudes requises dans l’engagement militant et politique auquel nous sommes tous confrontés et qu’il n’aurait pas été courageux de chercher à esquiver.

Il nous faut désormais choisir, parce que nous n’avons plus le choix. Ma candidature, espérée et ressentie par nombre d’entre nous comme meilleure solution pour défendre nos idées, est devenue impossible parce qu’elle souffrait d’un inconvénient de taille : la probabilité d’une victoire était faible et nombre de camarades auraient préféré défendre, contre leurs convictions, un autre candidat en mesure de gagner, selon la mécanique du vote utile. J’ai entendu de si nombreuses fois ce message derrière les estrades et loin des blogs, dans la bouche de camarades présents dans nos combats depuis les origines et aux convictions incontestables.

Ma candidature aurait ajouté une division supplémentaire dans la fracturation déjà multiple du parti, alors que l’esprit de préparation de l’élection présidentielle doit s’inspirer de la nécessité du rassemblement entre les socialistes et doit s’appuyer sur des actes constructifs de mise en commun des idées et des actions.

Enfin, elle se serait affrontée à la totalité du reste du parti, ce que traduit la vérification que nous avons faite de l’impossibilité bureaucratique d’obtenir les parrainages, et aurait conduit nos idées à réduire de leur influence, leur faisant perdre une part de leur capacité à pénétrer les esprits.

Le bilan de nos années de combat, de Dijon jusqu’au Mans, est intéressant, et mérite de poursuivre sa course, car nous avons réussi à mettre sur la table de la discussion politique nombre de nos propositions. Elles se sont répandues dans l’opinion. Elles sont apparues dans les programmes et devront être inscrites sur l’agenda politique de l’après victoire.

Pour répondre à la difficile question du choix, il faut se préoccuper de savoir ce que nous voulons faire de tout ce que nous avons fait ensemble jusqu’ici : La construction de la 6ème République comme solution à la crise politique et populiste du pays ; la domestication progressive du capitalisme financier comme perspective du socialisme européen ; la maîtrise sociale, environnementale et politique de la mondialisation comme héritage moderne du mouvement ouvrier ; la république européenne comme réponse à la victoire du non, sont des propositions qui ont un avenir considérable. Elles se situent au centre de gravité des besoins du pays, mais il reste à les concrétiser en faisant la démonstration de leur possible.

Nous pouvons faire le choix de nous installer avec ces magnifiques projets dans l’idéalisme de solitaire ayant raison contre tous. Nous serions en harmonie totale avec nous-même tout en faisant magistralement reculer nos idées !

Nous pouvons faire le choix plus difficile de nous allier avec qui ne partage toutes nos idées, pour convaincre au moins d’en mettre une partie en application.

Ce choix a ma préférence car il reflète l’exigence dans laquelle nous sommes, comme militants du socialisme, de faire gagner la gauche. Et je voudrais vous convaincre d’en faire le vôtre.

Un tel choix d’alliance ne peut pas être pour nous ou moi-même un renoncement ou je ne sais quelle abjuration. Car je n’ai nullement l’intention d’être un autre que celui que j’ai toujours été et toujours voulu être. Il est un acte de vitalité, parce qu’il organise l’inscription, dans le champ cultivable de l’avenir, de nos idées qui poursuivront ainsi leur chemin ascensionnel. Pour nous tous et pour tout ce que nous portons depuis des années avec tant d’espérance, je préfère l’avenir à l’enfermement des catacombes. Et il ne nous est pas interdit de préférer l’alliance, souvent productive, à la solitude, parfois inutile.

Car la question la plus importante pour nous est bien celle de construire un rassemblement large de toutes les forces de gauche pour les faire gagner et gouverner durablement ensemble : celles du oui et celles du non, celles alter mondialistes et celles social-libérales, celles de la synthèse et celles hors synthèse. Cela implique notre capacité à nous articuler les uns avec les autres, construire des compromis politiques entre socialistes en rapport avec les besoins de la population pour asseoir une majorité durable en faveur des idées de gauche dans le pays.

Si nous sommes incapables de ce genre de comportement collectif qu’avait su mettre en œuvre François Mitterrand, nos fractures seront plus ouvertes que nos perspectives de victoire. Mais une telle espérance ne pourra être envisagée que si deux profonds désirs, exprimés dans le même mouvement par la population, rencontrent les propositions politiques de la gauche dont nous avons à nous préoccuper nous aussi.

Mesurons d’abord l’énorme désir de renouvellement du personnel politique et de changement de génération, dans lequel il faut situer nos choix. Quatre ans et demi après le 21 avril 2002, l’appareil a maintenu le gouvernement Jospin à la Direction, refusé l’inventaire de nos erreurs, diabolisé les nouvelles idées que vous avons avancées avec toute la génération de jeunes élus que nous sommes et empêché la rénovation du projet et des pratiques.

Comme pétrifié dans un bocal de formol, le Parti joue désormais sa survie devant ses électeurs, qui s’apprêtent à sanctionner l’immobilisme, et le refus de construire une nouvelle donne. Ceux qu’on appelle les éléphants seront sévèrement sanctionnés pour avoir abusivement occupé l’espace politique du parti en empêchant l’avènement, par la transmission des compétences, d’équipes et d’idées nouvelles.

Je crois que nous ne pouvons nous tenir à l’écart de cette aspiration au renouvellement, ni prêter main forte à quiconque voudrait empêcher sa réalisation.

Mais nous savons surtout qu’elle ne suffit pas. Car nous mesurons à quel point les déceptions provoquées par la gauche au pouvoir devront nous amener à proposer dans la campagne, puis dans la victoire comme dans la future majorité, des choix politiques ancrés à gauche.

Notre candidat ne pourra pas échapper à la nécessité politique de proposer d’équilibrer ce capitalisme débridé et financier en assumant une part de confrontation, administrée même à doses progressives, avec l’organisation actuelle du système économique en s’appuyant sur les mouvements sociaux qui travaillent la société. Il pourra utilement s’appuyer sur le reflux des idées libérales qui a commencé avec les victoires du non en Europe, et ainsi chercher à organiser la maîtrise de cette mondialisation sans règle, si destructrice sur le plan économique, social et environnemental.

Face aux projets dérégulateurs et ultralibéraux des droites européennes, il serait enthousiasmant que nous portions un programme de reconstruction de la République : réhabiliter le politique, restaurer sa crédibilité et ses marges de manœuvre, c’est le sens profond de ce beau projet de 6ème République qui, s’il n’est pas intégré dans le projet socialiste doit encore faire son chemin, même en pièces détachées.

Voilà comment je crois que nous pouvons entraîner nos électeurs dans un mouvement de victoire, ainsi que tous les autres en perdition, qui ont perdu confiance en toute action politique.

Pour conjurer le danger lepéniste et infliger une cruelle défaite à la candidature Sarkozy, il est impérieux de réussir à se rassembler, réussir à nous renouveler, et réussir à tenir les promesses de la gauche. Je crois que Ségolène Royal a les atouts pour conjuguer ces trois exigences. C’est bien sûr à elle de nous en convaincre.

J’ai fait un pas dans sa direction, en l’invitant à Frangy-en-Bresse et en imaginant de nous préparer à travailler ensemble. Il lui revient de parler à ce peuple de gauche dont nous faisons partie. Chacun d’entre vous jugera et décidera de ce que nous voulons ensemble faire de nos idées. Nous engagerons le débat à Fouras et nous le clôturerons le moment venu. Nous préserverons ensemble notre capacité d’action commune et déciderons ensemble de choisir. Mais je crois qu’il est avant tout nécessaire de donner la chance de la victoire à la gauche. A nous de faire en sorte qu’elle soit aussi celle de nos idées.

Je te prie de croire, Chère ou Cher camarade, en l’assurance de ma fidélité à notre cause commune.

 

 

 

Arnaud MONTEBOURG

 

 

 

Publié dans PRESIDENTIELLES 2007

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R
Matignon, faut peut-être pas exagérer !!! Personne n'y croit ...
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S
Chers camarades,<br /> en 2007 s'offre à nous la possibilité d'une alternance... <br /> C'est une opportunité qui n'arrive que tous les 5 ans... <br /> En 2007 je ne veux plus voir la France dans les mains de la droite en général et de Sarkozy en particulier : ça suffit d'être gouvernés par les Père Noël du MEDEF et moi qui ne gagne que 1.000 par mois j'en souffre trop moralement et financièrement.<br /> Alors, mes chers camarades, dans ce contexte si vous considerez Ségolène Royale comme une ennemie, je pense que vous vous trompez : nos vrais ennemis sont Le Pen, Sarkozy et... nos divisions ! <br /> Aujourd'hui je me réjouis qu'Arnaud Montebourg ai bien compris celà et j'espère moi aussi le voir à Matignon en 2007.<br /> Amitiés socialistes !<br /> Stéphane Nouzarède
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J
Je trouve que certains "déçus" de ce qui s'est passé ont été un peu agressif:avec Stéphane et avec moi...<br /> Nous n'avons pas à nous défendre d'être des traîtres ou des opportunistes parce que nous défendons celle qui est donnée en tête!<br /> Nous avons de vrais arguments à développer et nous opposer notre "adoration" est faire montre de faiblesse sur le fond..<br />  
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A
Bonjour à tous,<br /> Vivement un bel, bon et  vrai gros orage à Fouras pour calmer les esprits !Je voulais ici donner ma réaction de nouvelle adhérente (Mars 2006) et nouvelle militante PS (Juin 2006) ne briguant aucun mandat. Quoiqu’il advienne, je continue (rai) à défendre les idées de Rénover Maintenant, avec ou sans Arnaud Montebourg, qu’il y croit, y ait cru, ne veuille plus y croire (ce qui m’étonnerait très fort). Je serais très déçue que ce mouvement s’étiole au lieu de se renforcer. Mais je n’oublie pas non plus que je milite avant tout pour la victoire du Parti Socialiste. Quelque soit le ou la candidate désigné(e), il n’est pas du tout certain que les électeurs de gauche soient à 100% ravis du choix des militants, qui je le rappelle sont pour la majeure partie des élus, des anciens élus, des réélus, souvent « cumulards » !!! en tout cas  pas en phase pour le TCE.<br /> Donc, consignes ou pas, lorsque je militerai, je ne renierai pas mon idéal RM et me baserai d’ailleurs sur sa philosophie pour étayer mes arguments. Ce mouvement, en restant fort et soudé, en prenant du poids quelque soit le futur d’Arnaud Montebourg, en étant dynamique à l’instar de RM21 qui devrait nous servir à tous d’exemple, parviendra fatalement à son but car il a sa place au sein du PS, et non au-dehors. Une des raisons essentielles qui m’a fait adhérer à RM était aussi de faire bouger les choses à l’intérieur !!<br /> Alors, en attendant l’orage qui, je l’espère, lavera les scepticismes embrouillés, j’ose croire que vous serez nombreux à penser comme moi, surtout les nouveaux.<br /> Amitiés rénovatrices<br /> Anita Nguyen (RM45)
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E
Oui, Gérard, c'est la canicule !
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